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L’ÉCLAT D’OBUS

Le colonel exprima sa joie par un éclat de rire.

— Cristi ! le caporal Delroze est un rude homme. Le comble, ce serait que le champ de betteraves en question fût arrosé à son tour, comme il l’a promis.

Il n’avait pas achevé qu’une bombe explosait à quinze cents mètres à droite, non pas sur le champ de betteraves, mais en avant. Une deuxième alla trop loin. À la troisième l’endroit était repéré. Et l’arrosage commença.

Il y avait là, dans l’accomplissement de la tâche que s’était imposée le caporal, quelque chose de si prodigieux à la fois et d’une précision si mathématique que le colonel et ses officiers ne doutèrent pour ainsi dire pas qu’il n’allât jusqu’au bout de cette tâche, et que, malgré les obstacles insurmontables, il ne réussît à donner le signal convenu.

Sans répit, ils fouillèrent l’horizon de leurs jumelles, tandis que l’ennemi redoublait d’efforts contre le champ de betteraves.

À onze heures cinq, il y eut une fusée rouge.

Elle apparut beaucoup plus à droite qu’on n’eût pu le supposer.

Et deux autres la suivirent.

Armé de sa longue-vue, le capitaine d’artillerie ne tarda pas à découvrir un clocher d’église qui émergeait à peine d’une vallée dont la dépression demeurait invisible parmi les ondulations du plateau, et la flèche de ce clocher dépassait si peu qu’on avait pu la prendre pour un arbre isolé. D’après les cartes il fut facile de constater que c’était le village de Brumoy.

Connaissant, par l’obus que le caporal avait