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L’ÉCLAT D’OBUS

pelle. Une seule fois, il s’en souvint, quelqu’un lui avait parlé d’une chapelle, mais située à l’intérieur d’une propriété close. Comment s’en fût-il inquiété ?

En suivant ainsi l’enceinte du château, il se rapprocha de la commune même d’Ornequin dont l’église se dressa tout à coup au fond d’une éclaircie pratiquée dans les bois. La cloche, qu’il n’entendait plus depuis un instant, sonna de nouveau très nettement. C’était la cloche d’Ornequin. Elle était grêle, déchirante comme une plainte, et, malgré sa précipitation et sa légèreté, plus solennelle que le glas qui sonne la mort.

Paul se dirigea vers elle.

Un joli village tout fleuri de géraniums et de marguerites, se massait autour de son église. Des groupes silencieux stationnaient devant une affiche blanche placardée sur la mairie.

Paul avança et lut :



« ORDRE DE MOBILISATION »


À toute autre époque de sa vie, ces mots lui eussent apparu avec toute leur formidable et lugubre signification. Mais la crise qu’il subissait était trop forte pour qu’une grande émotion trouvât place en lui. À peine même s’il consentit à envisager les conséquences inéluctables de cette nouvelle. Soit, on mobilisait. Le soir, à minuit, commençait le premier jour de la mobilisation. Soit, chacun devait partir. Il partirait donc. Et cela prenait dans son esprit la forme d’un acte si impérieux, les proportions d’un devoir qui dominait tellement toutes les petites obligations et toutes les petites néces-