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L’ÉCLAT D’OBUS
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Aimait-il encore ? Certes il pleurait désespérément un bonheur qu’il savait brisé, mais aimait-il encore Élisabeth ? Pouvait-il aimer la fille d’Hermine d’Andeville ?

Au petit jour, quand il rentra et qu’il passa devant la chambre d’Élisabeth, son cœur ne battit pas plus vite. Sa haine contre la meurtrière abolissait tout ce qui pouvait palpiter en lui d’amour, de désir, de tendresse ou même de simple et humaine pitié.

L’engourdissement où il tomba durant quelques heures détendit un peu ses nerfs, mais ne changea pas la disposition de son esprit. Peut-être au contraire, et cela sans même y réfléchir, se refusait-il avec plus de force à rencontrer Élisabeth. Cependant il voulait savoir, se rendre compte, s’entourer de tous les renseignements nécessaires, et ne prendre qu’en toute certitude la décision qui allait dénouer dans un sens ou dans l’autre le grand drame de sa vie.

Avant tout il fallait interroger Jérôme et sa femme, dont le témoignage prenait une valeur considérable du fait qu’ils avaient connu la comtesse d’Andeville. Certaines questions de date, par exemple, pouvaient être élucidées sur-le-champ.

Il les trouva dans leur pavillon, tous deux très agités. Jérôme un journal à la main et Rosalie gesticulant avec effroi.

— Ça y est, monsieur, s’écria Jérôme. Monsieur peut en être sûr : c’est pour tantôt !

— Quoi ? fit Paul.

— La mobilisation ! Monsieur verra ça. J’ai vu les gendarmes, des amis à moi, et ils m’ont averti. Les affiches sont prêtes.