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L’ÉCLAT D’OBUS
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s’étaient serrés les uns contre les autres et qui sont morts ainsi. Tous les survivants ont été expulsés et j’ai vu quatre petits garçons emporter sur deux bâtons un berceau où était un enfant de cinq à six mois. Tout est livré au pillage. Et j’ai vu aussi une maman avec ses deux petits ; et l’un avait une grande blessure à la tête et un œil crevé. »

« C’est curieux, tout cela, n’est-ce pas, monseigneur ? »

Il continua :

« — 26 août. — L’admirable village de Gué-d’Hossus (Ardennes) a été livré à l’incendie, bien qu’innocent, à ce qu’il me semble. On me dit qu’un cycliste est tombé de sa machine et que, dans sa chute, son fusil est parti tout seul ; alors, on a fait feu dans sa direction. Là-dessus, on a tout simplement jeté les habitants mâles dans les flammes. »

« Et plus loin :

« 25 août (en Belgique). — Des habitants de la ville, on en a fusillé trois cents. Ceux qui survécurent au feu de salve furent réquisitionnés comme fossoyeurs. Il aurait fallu voir les femmes à ce moment… »

Et la lecture continua, coupée de réflexions judicieuses que Bernard émettait d’une voix placide, comme s’il eût commenté un texte d’histoire. Et le prince Conrad semblait près de s’évanouir.


Lorsque Paul arriva au château d’Ornequin, et que, descendu d’automobile, il se rendit sur la terrasse, la vue du prince, la mise en scène des douze soldats, tout lui indiqua la petite comédie quelque peu macabre à laquelle Ber-