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L’ÉCLAT D’OBUS

— Qu’est-ce que je pourrais bien vous raconter ? La mort de votre amie, la comtesse Hermine ? Ah ! ah ! il me semble que cela vous fait dresser l’oreille ! Eh bien, oui, figurez-vous que cette digne personne a été exécutée l’autre jour à Soissons. Et vraiment elle ne faisait pas meilleure figure que vous. On a dû la soutenir. Et ce qu’elle criait ! Et ce qu’elle demandait grâce ! Aucune tenue, quoi ! Aucune dignité ! Mais je m’aperçois que vous pensez à autre chose. Diable ! comment vous divertir ? Ah ! une idée…

Il sortit de sa poche un opuscule.

— Tenez, monseigneur, je vais vous faire la lecture, tout simplement. Certes, une Bible serait plus de circonstance, mais je n’en ai point. Et puis, il s’agit surtout de vous procurer un instant d’oubli, n’est-ce pas ? et je ne sais rien de meilleur pour un bon Allemand, fier de son pays et des exploits de son armée, je ne sais rien de plus réconfortant que ce petit livre-là. Nous allons le savourer ensemble, voulez-vous, monseigneur ? Titre : les Crimes allemands d’après les témoignages allemands. Ce sont des carnets de route écrits par vos compatriotes, donc un de ces documents irréfutables devant lesquels la science allemande s’incline avec respect. J’ouvre, et je lis au hasard :

« Les habitants ont fui le village. Ce fut horrible. Du sang est collé contre toutes les maisons, et, quant aux visages des morts, ils étaient hideux. On les a enterrés tous aussitôt, au nombre de soixante. Parmi eux, beaucoup de vieilles femmes, des vieux, et une femme enceinte et trois enfants qui