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L’ÉCLAT D’OBUS

midable complot avait avorté ! Il vivait, et tous ses collaborateurs vivaient aussi, et tous les ennemis de l’espionne vivaient également, Paul Delroze, Stéphane d’Andeville, Bernard, Élisabeth… ceux qu’elle avait poursuivis de sa haine inlassable, ils étaient là ! Elle allait mourir avec cette vision, atroce pour elle, de ses ennemis heureux et réunis.

Et surtout elle allait mourir avec cette idée que tout était perdu. Son grand rêve s’écroulait.

Avec la comtesse Hermine disparaissait l’âme même des Hohenzollern. Et tout cela se voyait dans ses yeux hagards, où passaient des lueurs de démence.

Le général dit à l’un de ses compagnons :

— Vous avez donné les ordres ? La bande va être fusillée ?

— Oui, mon général, dès ce soir.

— Eh bien, qu’on commence par cette femme-là. Et tout de suite. Ici même.

L’espionne tressauta. Sous l’effort d’une grimace, elle réussit à déplacer son bâillon, et on l’entendit qui implorait sa grâce dans un flux de paroles et de gémissements.

— Partons, fit le général en chef.

Il sentit que deux mains brûlantes pressaient les siennes. Élisabeth, inclinée vers lui, le suppliait en pleurant.

Paul présenta sa femme. Le général dit avec douceur :

— Je vois que vous avez pitié, madame, malgré tout ce qu’on vous a fait. Il ne faut pas avoir pitié, madame. Oui, évidemment, c’est la pitié que l’on a pour ceux qui vont mourir. Mais il ne faut pas en avoir pour ceux-là ni