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L’ÉCLAT D’OBUS

qu’elle avait échangées avec l’espion Karl devant le perron de la villa du prince Conrad.

— Je vais en France… tout est prêt. Le temps est favorable et l’état-major m’a prévenue… Donc j’y serai demain soir… et il suffira d’un coup de pouce.

Le coup de pouce elle l’avait donné. Tous les ponts, préalablement travaillés par l’espion Karl ou par des agents à sa solde, s’étaient effondrés.

— Évidemment, c’est elle, dit Bernard, Et alors, si c’est elle, pourquoi ton air inquiet ? Tu devrais te réjouir au contraire, puisque maintenant nous sommes logiquement sûrs de l’atteindre.

— Oui, mais l’atteindrons-nous à temps ? Dans sa conversation avec Karl elle a prononcé une autre menace qui me semble beaucoup plus grave, et dont je t’ai rapporté également les termes : « La chance tourne contre nous… Si je réussis, ce sera la fin de la série noire ». Et comme son complice lui demandait si elle avait le consentement de l’empereur, elle a répondu : « Inutile. L’entreprise est de celles dont on ne parle pas ». Tu comprends bien, Bernard, qu’il ne s’agit pas de l’attaque allemande ni de la rupture des ponts, — cela, c’est de bonne guerre, et l’empereur est au courant, — non, il s’agit d’autre chose qui doit coïncider avec les événements et leur donner leur signification complète. Cette femme ne peut pas croire qu’une avance d’un kilomètre ou deux soit un incident capable de mettre fin à ce qu’elle appelle la série noire. Alors, quoi ? Qu’y a-t-il ? Je l’ignore. Et c’est la raison de mon angoisse.