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L’ÉCLAT D’OBUS
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— Ah ! je vois que tu m’aimes… tu n’as pas cessé de m’aimer… maintenant j’en suis sûre.

Elle gardait cependant les bras tendus comme un obstacle, et lui-même ne cherchait pas à avancer. Toute leur vie et tout leur bonheur étaient dans leur regard, et, tandis que leurs yeux se mêlaient éperdument, elle continua :

— Ils m’ont dit que tu étais prisonnier. C’est donc vrai ? Ah ! ce que je les ai suppliés pour qu’on me conduisît auprès de toi ! Ce que je me suis abaissée ! J’ai dû même m’asseoir à leur table, et rire de leurs plaisanteries, et porter des bijoux, des colliers de perles qu’ils m’imposaient. Tout cela pour te voir !… Et ils promettaient toujours… Et puis, enfin, cette nuit on m’a emmenée jusqu’ici, et j’ai cru qu’ils s’étaient joués de moi une fois encore… ou bien que c’était un piège nouveau… ou bien qu’ils se décidaient enfin à me tuer… Et puis te voilà !… Te voilà !… toi, mon Paul chéri !…

Elle lui saisit la figure entre ses deux mains et, tout à coup, désespérée :

— Mais tu ne vas pas t’en aller encore ? Demain seulement, n’est-ce pas ? Ils ne te reprennent pas à moi, comme cela, après quelques minutes ? Tu restes, n’est-ce pas ? Ah ! Paul, je n’ai plus de courage… Ne me quitte plus…

Elle fut très étonnée de le voir qui souriait.

— Qu’est-ce que tu as, mon Dieu ? Comme tu as l’air d’être heureux !

Il se mit à rire et, cette fois, l’attirant contre lui avec une autorité qui n’admettait point de résistance, il lui baisa les cheveux, et le front, et les joues, et les lèvres, et il disait :

— Je ris parce qu’il n’y a pas autre chose à faire que de rire et de t’embrasser. Je ris aussi