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L’ÉCLAT D’OBUS
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levis. Un concierge soupçonneux se présenta, mais quelques mots de l’officier ouvrirent les portes toutes grandes.

Deux domestiques accoururent du château, et, sur une question de Paul, ils répondirent que la dame française se promenait du côté de l’étang.

Il se fit indiquer le chemin et dit à l’officier :

— J’irai seul. Nous repartirons aussitôt.

Il avait plu. Un pâle soleil d’hiver, se glissant entre les gros nuages, éclairait des pelouses et des massifs. Paul longea des serres, franchit un groupe de rochers artificiels d’où s’échappait le mince filet d’une cascade qui formait, dans un cadre de sapins noirs, un vaste étang égayé de cygnes et de canards sauvages.

À l’extrémité de cet étang, il y avait une terrasse ornée de statues et de bancs de pierre.

Élisabeth était là.

Une émotion indicible bouleversa Paul. Depuis la veille de la guerre, Élisabeth était perdue pour lui. Depuis ce jour-là elle avait subi les épreuves les plus affreuses, et les avait subies pour cette seule raison qu’elle voulait apparaître aux yeux de son mari comme une femme sans reproche, fille d’une mère sans reproche.

Et voilà qu’il la retrouvait à une heure où aucune des accusations lancées contre la comtesse Hermine ne pouvait être écartée, et où Élisabeth elle-même, par sa présence au souper du prince Conrad, avait suscité en Paul une telle indignation.

Mais comme tout cela était loin déjà ! Et comme cela comptait peu ! L’infamie du prince