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L’ÉCLAT D’OBUS
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— À Francfort !

— Parbleu, cette présence est signalée là où il l’ordonne, et jamais là où il ne veut pas qu’elle le soit. En tout cas, sur ce point encore, j’étais accusé d’erreur, et l’enquête se heurtait à un ensemble d’obstacles, d’impossibilités, de mensonges, d’alibis, qui, pour moi, révélait l’action continue et toute-puissante d’une autorité sans limites. Cette explication est la seule admissible. Voyons, est-ce que deux Français peuvent loger dans un hôtel de Strasbourg sans qu’on relève leurs noms sur le registre de cet hôtel ? Or, qu’un tel registre ait été confisqué, ou telle page arrachée, nos noms n’ont été relevés nulle part. Donc aucune preuve, aucun indice. Patrons et domestiques d’hôtel ou de restaurant, buralistes de gare, employés de chemin de fer, loueurs de bicyclettes, autant de subalternes, c’est-à-dire de complices, qui tous ont reçu la consigne du silence et dont pas un seul n’a désobéi.

— Mais plus tard, Paul, vous avez dû chercher vous-même ?

— Si j’ai cherché ! Quatre fois déjà depuis mon adolescence j’ai parcouru la frontière, de la Suisse au Luxembourg, de Belfort à Longwy, interrogeant les individus, étudiant les paysages ! Et durant combien d’heures surtout me suis-je acharné à creuser jusqu’au fond de mon cerveau pour en extraire l’infime souvenir qui m’eût éclairé. Rien. Dans ces ténèbres, aucune lueur nouvelle. Trois images seulement ont jailli à travers l’épaisse brume du passé. L’image des lieux et des choses qui furent les témoins du crime : les arbres de la clairière, la vieille chapelle, le sentier qui fuit au milieu des bois.