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L’ÉCLAT D’OBUS

la villa du prince Conrad, grâce au mot de passe, et à retrouver Bernard. L’entreprise achevée, et complétée selon les desseins de Paul, le tunnel les ramènerait tous trois au château d’Ornequin.

Paul s’abandonna donc à la joie qui l’envahissait. Élisabeth était là, sous sa protection, Élisabeth dont le courage certes avait fléchi sous le poids des épreuves, mais à laquelle il devait son indulgence puisqu’elle était malheureuse par sa faute à lui. Il oubliait, il voulait oublier toutes les vilaines phases du drame, pour ne songer qu’au dénouement proche, au triomphe, à la délivrance de sa femme.

Il observait attentivement la route, afin de ne pas se perdre au retour, et il combinait le plan de son attaque, la fixant à la première halte qu’on serait obligé de faire. Résolu à ne pas tuer l’espion, il l’étourdirait d’un coup de poing et, après l’avoir terrassé et ligoté, il le jetterait dans quelque taillis.

On rencontra un bourg important, puis deux villages, puis une ville où il fallut s’arrêter et montrer les papiers de la voiture.

Après, ce fut encore la campagne, et une série de petits bois dont les arbres s’illuminaient au passage.

À ce moment, la lumière des phares faiblissant, Karl ralentit l’allure.

Il grogna :

— Double brute, tu ne sais même pas entretenir tes phares ! As-tu remis du carbure ?

Paul ne répondit pas. Karl continua de maugréer. Puis il freina en jurant :

— Tonnerre d’imbécile ! Plus moyen d’avancer… Allons, secoue-toi et rallume.