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L’ÉCLAT D’OBUS

— Oui, oui, évidemment, se disait Paul, mais pourquoi tant de haine ? Il y a entre elles une haine que la mort seule pourrait assouvir. Et le désir du meurtre est peut-être plus violent dans les yeux d’Élisabeth que dans les yeux mêmes de celle qui est venue pour la tuer.

Paul éprouvait cette impression de façon si aiguë qu’il s’attendait vraiment à ce que l’une ou l’autre agît sur-le-champ, et qu’il cherchait le moyen de secourir Élisabeth. Mais il se produisit une chose tout à fait imprévue. La comtesse Hermine sortit de sa poche une de ces grandes cartes topographiques dont se servent les automobilistes, la déplia, posa son doigt sur un point, suivit le tracé rouge d’une route jusqu’à un autre point, et, là, s’arrêtant, prononça quelques mots qui parurent bouleverser de joie Élisabeth.

Elle agrippa le bras de la comtesse et se mit à parler fiévreusement avec des rires et des sanglots, tandis que la comtesse hochait la tête en ayant l’air de dire :

— C’est entendu… Nous sommes d’accord… tout se passera comme vous le désirez…

Paul crut qu’Élisabeth allait baiser la main de son ennemie, tellement elle semblait déborder d’allégresse et de reconnaissance, et il se demandait anxieusement dans quel nouveau piège tombait la malheureuse, lorsque la comtesse se leva, marcha vers une porte, et l’ouvrit.

Ayant fait un signe, elle revint.

Quelqu’un entra, vêtu d’un uniforme.

Et Paul comprit. L’homme que la comtesse Hermine introduisait, c’était l’espion Karl, son complice, l’exécuteur de ses desseins, celui