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L’ÉCLAT D’OBUS
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Les deux femmes se regardèrent sans un mot. Étrange regard, chez l’une et chez l’autre, chargé d’une haine égale. Paul ne les quittait pas des yeux. À les observer l’une et l’autre, il ne pouvait pas douter qu’elles ne se fussent déjà vues, et que les paroles qui allaient être échangées ne fussent la suite et la conclusion d’explications antérieures. Mais quelles explications ? Et que savait Élisabeth au sujet de la comtesse Hermine ? Acceptait-elle comme sa mère cette femme qu’elle considérait avec tant d’aversion ?

Jamais deux êtres ne s’étaient distingués par une physionomie plus différente et surtout par une expression qui indiquât des natures plus opposées. Et pourtant, combien était fort le faisceau des preuves qui les liait l’une à l’autre ! Ce n’étaient plus des preuves, mais les éléments d’une réalité si vivante que Paul ne songeait même pas à les discuter. Le trouble de M. d’Andeville en présence de la photographie de la comtesse, photographie prise à Berlin quelques années après la mort simulée de la comtesse, ne montrait-il pas d’ailleurs que M. d’Andeville était complice de cette mort simulée, complice peut-être de beaucoup d’autres choses ?

Et alors Paul en revenait à la question que posait l’angoissante rencontre de la mère et de la fille : que savait Élisabeth de tout cela ? Quelles clartés avait-elle réussi à se faire sur cet ensemble monstrueux de hontes, d’infamies, de trahisons et de crimes ? Accusait-elle sa mère ? Et, se sentant écrasée sous le poids des forfaits, la rendait-elle responsable de sa propre lâcheté ?