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L’ÉCLAT D’OBUS

n’avait pas eu la force de supporter les intolérables épreuves.

Cependant la comtesse Hermine achevait son discours. Elle but de nouveau, coup sur coup, en jetant son verre derrière elle après chaque rasade. Les officiers et leurs femmes l’imitaient. Les hoch enthousiastes s’entrecroisaient et, dans un accès d’ivresse patriotique, le prince se leva et entonna le Deutschland über Alles que les autres reprirent avec une sorte de frénésie.

Élisabeth avait posé ses coudes sur la table et ses mains contre sa figure, comme si elle eût voulu s’isoler. Mais le prince, toujours debout et braillant, lui saisit les bras et les écarta brutalement.

— Pas de simagrées, la belle !

Elle eut un geste de répulsion qui le mit hors de lui.

— Quoi ! quoi ! on « rouspète », et puis ne dirait-on pas qu’on pleurniche ! Ah ! madame en a de bien bonnes ! Mais, palsambleu ! que vois-je ? Le verre de madame est encore plein !

Il attrapa le verre et, tout en tremblant, l’approcha des lèvres d’Élisabeth.

— À ma santé, petite. À la santé du seigneur et maître ! Eh bien ! On refuse ?… Je comprends. On ne veut plus de champagne. À bas le Champagne ! C’est du vin du Rhin qu’il te faut, n’est-ce pas, la gosse ? Tu te rappelles la chanson de ton pays : « Nous l’avons eu votre Rhin allemand. Il a tenu dans notre verre… » Le vin du Rhin !

D’un seul mouvement les officiers s’étaient dressés et vociféraient : « Die Wacht am Rhein. » « Ils ne l’auront pas, le Rhin alle-