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L’ÉCLAT D’OBUS
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lui, Paul, ignorait, et que ces choses ne pouvaient être précisées que par une exposition suffisante des événements.

Il commença donc à parler. Il le fit posément, calmement, tandis que M. d’Andeville écoutait en silence. Et ils ne cessaient de tirer, armant leurs fusils, épaulant, visant et rechargeant avec tranquillité, comme s’ils étaient à l’exercice. Autour d’eux et au-dessus d’eux, la mort poursuivait son œuvre implacable.

Mais Paul avait à peine raconté son arrivée à Ornequin avec Élisabeth, son entrée dans la chambre close et son épouvante à la vue du portrait, qu’un obus énorme explosa sur leurs têtes et les éclaboussa de mitraille.

Les quatre volontaires furent touchés. Paul tomba également, frappé au cou, et aussitôt, bien qu’il ne souffrît pas, il sentit que toutes ses idées sombraient peu à peu dans la brume sans qu’il pût les retenir. Il s’y efforçait cependant, et il avait encore, par un prodige de volonté, un reste d’énergie qui lui permettait certaines réflexions et certaines impressions. Ainsi vit-il son beau-père à genoux près de lui, et il réussit à lui dire :

— Le journal d’Élisabeth… vous le trouverez dans ma valise, au campement… avec quelques pages écrites par moi… qui vous feront comprendre… Mais d’abord il faut… tenez, cet officier allemand qui est là, attaché… c’est un espion… surveillez-le… tuez-le… sinon le 10 janvier… Mais vous le tuerez, n’est-ce pas ?

Paul ne pouvait plus articuler. D’ailleurs il s’apercevait que M. d’Andeville n’était pas à genoux pour l’écouter ou le soigner, mais que, atteint lui-même, le visage en sang, il se ployait