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L’ÉCLAT D’OBUS
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au fond de cette vaste pièce. C’est là que Paul, à qui était réservée l’organisation de l’étage, c’est là que Paul amena son prisonnier. Il le coucha sur le parquet, le ligota à l’aide d’une corde et l’attacha solidement à une poutre, et, tout en agissant, il fut pris d’un tel élan de haine qu’il le saisit à la gorge comme pour l’étrangler.

Il se domina. À quoi bon se presser ? Avant de tuer cet homme ou de le livrer aux soldats qui le colleraient au mur, ne serait-ce pas une joie profonde que de s’expliquer avec lui ?

Comme le lieutenant entrait, il lui dit, de façon à être entendu de tous et surtout du major :

— Mon lieutenant, je vous recommande ce misérable, qui n’est autre que le major Hermann, un des chefs de l’espionnage allemand. J’ai les preuves sur moi. S’il m’arrivait malheur, qu’on ne l’oublie pas. Et, au cas où il faudrait battre en retraite…

Le lieutenant sourit.

— Hypothèse inadmissible. Nous ne battrons pas en retraite, pour la bonne raison que je ferais plutôt sauter la bicoque. Et, par conséquent, le major Hermann sauterait avec nous. Donc, soyez tranquille.

Les deux officiers se concertèrent sur les mesures de défense, et rapidement on se mit à l’œuvre.

Avant tout, le pont de bateaux fut disloqué, des tranchées creusées sur le long du canal, et les mitrailleuses retournées. À son étage, Paul fit transporter les sacs de terre d’une façade à l’autre et consolider, à l’aide de poteaux placés en arcs-boutants, les parties de mur qui semblaient le moins solides.