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L’ÉCLAT D’OBUS

parc. Et c’était dans ce même parc… près de la même chapelle… tu n’as pas oublié… il y a seize ans… lorsqu’il n’était qu’un enfant, lui, et que tu lui as planté ton couteau en pleine chair… Eh bien, ce jour-là, tu commençais tes maladresses…

L’espion se mit à rire, d’un rire cynique et insolent.

— Que voulez-vous, Excellence ? Je débutais dans la carrière et je n’avais pas votre maîtrise. Voilà un père et son gosse que nous ne connaissions même pas dix minutes auparavant, et qui ne nous avaient rien fait que d’embêter le kaiser. Moi, la main m’a tremblé, je le confesse. Tandis que vous… Ah ! ce que vous avez expédié le père, vous ! Un petit coup de votre petite main, ouf ! ça y était !

Cette fois ce fut Paul qui, lentement, avec précaution, engagea le canon de son revolver dans une des brèches. Il ne pouvait plus douter, maintenant, après les révélations de Karl, que le major eût tué son père. C’était bien cet être-là ! Et son complice d’aujourd’hui, c’était déjà son complice d’autrefois, le subalterne qui avait tenté de le tuer, lui, Paul, tandis que son père expirait.

Bernard, devant le geste de Paul, lui souffla à l’oreille :

— Tu es décidé, hein ? Nous l’abattons ?

— Attends mon signal, murmura Paul, mais ne tire pas sur lui, toi. Tire sur l’espion.

Malgré tout, il pensait au mystère inexplicable des liens qui unissaient le major Hermann à Bernard d’Andeville et à sa sœur Élisabeth, et n’admettait pas que ce fût Bernard qui accomplît l’œuvre de justice. Lui-même il