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L’ÉCLAT D’OBUS
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leurs noms inscrits sur la muraille. Et tu comprends qu’ils n’en resteront pas là, maintenant qu’ils savent que la petite n’est pas morte. Ils la chercheront. Ils la trouveront. Et comme elle connaît tous nos secrets !… Il fallait la supprimer, Karl !

— Et le prince ? ricana l’espion.

— Conrad est un idiot. Toute cette famille de Français nous portera malheur, à Conrad le premier, qui est assez bête pour s’amouracher de la péronnelle. Il fallait la supprimer, tout de suite, Karl, je te l’avais ordonné, et ne pas attendre le retour du prince…

Placé en pleine lumière, le major Hermann montrait la plus épouvantable face de bandit que l’on pût imaginer, épouvantable non point par la difformité des traits ou par quelque chose de spécialement laid, mais par l’expression qui était repoussante et sauvage, et où Paul retrouvait encore, mais portée à son paroxysme, l’expression de la comtesse Hermine, d’après son portrait et d’après sa photographie. À l’évocation du crime manqué, le major Hermann semblait souffrir mille morts, comme si le crime eût été sa condition de vivre. Les dents grinçaient. Les yeux étaient injectés de sang.

D’une voix distraite, les doigts crispés à l’épaule de son complice, il articula, et, cette fois, en français :

— Karl, on dirait que nous ne pouvons pas les atteindre et qu’un miracle les protège contre nous. Toi, ces jours-ci, tu as raté ton coup trois fois. Au château d’Ornequin, tu en as tué deux autres à leur place. Moi aussi, je l’ai manqué un jour, près de la petite porte du