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L’ÉCLAT D’OBUS

Il enleva sa capote bleue, revêtit la vareuse d’un des morts et, faisant le salut militaire :

— Ouf !… Voyez-vous, Excellence, je suis un bon Allemand. Aucune besogne ne me répugne. Mais sous cet uniforme-là, j’étouffe.

— Donc, tu désertes ?

— Excellence, le métier pratiqué de la sorte est trop dangereux. La blouse du paysan français, oui ; la capote du soldat français, non. Ces gens-là n’ont peur de rien, je suis obligé de les suivre, et je risque d’être tué par une balle allemande.

— Mais les deux beaux-frères ?

— Trois fois je leur ai tiré dans le dos, et trois fois j’ai raté mon coup. Rien à faire, ce sont des veinards, et je finirais par être pincé. Aussi, comme vous dites, je déserte, et j’ai profité du gamin qui fait la navette entre Rosenthal et moi pour vous donner rendez-vous.

— Rosenthal m’a réexpédié ton mot au quartier général.

— Mais il y avait aussi une photographie, celle que vous savez, ainsi qu’un paquet de lettres reçues de vos agents de France. Je ne voulais pas, si j’étais découvert, qu’on trouvât sur moi de telles preuves.

— Rosenthal devait me les apporter lui-même. Par malheur, il a commis une bêtise.

— Laquelle, Excellence ?

— Celle de se faire tuer par un obus.

— Allons donc !

— Voilà son cadavre à tes pieds.

Karl se contenta de hausser les épaules et de dire :

— L’imbécile !

— Oui, il n’a jamais su se débrouiller, ajouta