affirmer que, cette partie du voyage terminé nous devions aller de Strasbourg vers la Forêt-Noire. Pourquoi notre itinéraire fut-il changé ? Je ne le sais pas. Je me vois un matin en gare de Strasbourg et montant dans un train qui se dirigeait vers les Vosges… oui, vers les Vosges. Mon père lisait et relisait une lettre qu’il venait de recevoir et qui semblait lui faire plaisir. Cette lettre avait-elle modifié ses projets ? Je ne sais pas non plus. Nous avons déjeuné en cours de route. Il faisait une chaleur d’orage et je me suis endormi, de sorte que je me rappelle seulement la place principale d’une petite ville allemande où nous avons loué deux bicyclettes, laissant nos valises à la consigne… Et puis… comme tout cela est confus !… nous avons roulé à travers un pays dont aucune impression ne m’est restée. À un moment, mon père me dit :
« Tiens, Paul, nous franchissons la frontière… nous voici en France…
« Et, plus tard… combien de temps après ?… il s’arrêta pour demander son chemin à un paysan qui lui indiqua un raccourci au milieu des bois. Mais quel chemin ? et quel raccourci ? Dans mon cerveau, c’est une ombre impénétrable où mes pensées sont comme ensevelies.
« Et tout à coup l’ombre se déchire, et je vois, mais avec une netteté surprenante, une clairière, de grands arbres, de la mousse qui ressemble à du velours et une vieille chapelle. Sur tout cela il pleut de grosses gouttes de plus en plus précipitées, et mon père me dit :
« — Mettons-nous à l’abri, Paul.
« Sa voix, comme elle résonne en moi ! et comme je me représente exactement la petite chapelle aux murailles verdies par l’humidité !