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L’ÉCLAT D’OBUS
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serait bon de savoir. J’ai songé à vous, Delroze.

— Je vous remercie, mon colonel.

— La mission n’est pas dangereuse, mais elle est délicate et doit aboutir à une certitude. Partez cette nuit. Si le vieux phare est occupé, revenez. Sinon, faites-vous rejoindre par une douzaine d’hommes solides que vous dissimulerez soigneusement jusqu’à notre approche. Ce sera un excellent point d’appui.

— Bien, mon colonel.

Paul prit aussitôt ses dispositions, réunit le petit groupe des Parisiens et des engagés qui, avec le réserviste et le Belge Laschen formaient sa cohorte habituelle, les prévint qu’il aurait sans doute besoin d’eux dans le courant de la nuit, et, le soir, à neuf heures, il s’en allait en compagnie de Bernard d’Andeville.

Le feu des projecteurs ennemis les retint longtemps au bord du canal, derrière un énorme tronc de saule déraciné. Puis d’impénétrables ténèbres s’accumulèrent autour d’eux, à tel point qu’ils ne discernaient même pas la ligne de l’eau.

Ils rampaient plutôt qu’ils ne marchaient, par crainte des clartés inattendues. Un peu de brise passait sur les champs de boue et sur les marécages où frémissait une plainte de roseaux.

— C’est lugubre, murmura Bernard.

— Tais-toi.

— À ta guise, sous-lieutenant.

Des canons tonnaient de temps à autre sans raison, comme des chiens qui aboient pour faire du bruit dans le grand silence inquiétant, et aussitôt d’autres canons aboyaient rageusement, comme pour faire du bruit à leur tour et montrer qu’ils ne dormaient point.