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L’ÉCLAT D’OBUS

— Ce n’est pas l’espérance que je t’apporte, Paul, c’est la certitude. J’ai voulu t’y préparer. Maintenant, écoute. Si j’ai interrogé cet adjudant d’artillerie, c’était pour contrôler des faits que je n’ignorais plus. Oui, tantôt, au village même d’Ornequin, où je me trouvais, il est arrivé de la frontière un convoi de prisonniers allemands. L’un d’eux, avec qui j’ai pu échanger quelques mots, faisait partie de la garnison qui occupait le château. Il a donc vu, lui. Il sait. Eh bien, Élisabeth n’a pas été fusillée. Le prince Conrad a empêché l’exécution.

— Qu’est-ce que tu dis ? Qu’est-ce que tu dis ? s’écria Paul qui défaillait de joie… Alors, tu es sûr ? Elle est vivante ?

— Oui, vivante… Ils l’ont emmenée en Allemagne.

— Mais depuis ?… Car enfin le major Hermann a pu la rejoindre et réussir dans ses desseins !

— Non.

— Comment le sais-tu ?

— Par ce soldat prisonnier. La dame française qu’il a vue ici, il l’a revue ce matin.

— Où ?

— Non loin de la frontière, dans une villa des environs d’Ébrecourt, sous la protection de celui qui l’a sauvée, et qui, certes, est de taille à la défendre contre le major Hermann.

— Qu’est-ce que tu dis ? répéta Paul, mais sourdement cette fois, et la figure contractée.

— Je dis que le prince Conrad, qui semble prendre son métier de soldat en amateur, — il passe d’ailleurs pour un crétin, même auprès de sa famille, — a établi son quartier général à Ébrecourt, qu’il rend chaque jour visite à