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L’ÉCLAT D’OBUS
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plus infâmes encore… et toute sa rage… Non, je ne veux pas te le répéter. En me confiant à ce journal, je pensais te confier mes pensées et mes actes de chaque jour. Je croyais n’y apporter que le témoignage de ma douleur. Mais cela, c’est autre chose, et je n’ai pas le courage… Pardonne-moi mon silence. Qu’il te suffise de connaître l’offense pour pouvoir me venger plus tard. Ne m’en demande point davantage… »

De fait, les jours suivants, la jeune femme ne raconta plus par le détail les visites quotidiennes du prince Conrad, mais comme on sentait dans son récit la présence obstinée de l’ennemi autour d’elle ! C’étaient des notes brèves où elle n’osait plus s’abandonner comme avant, et qu’elle jetait au hasard des pages, marquant elle-même les jours, sans souci des dates supprimées.

Et Paul lisait en tremblant. Et des révélations nouvelles augmentaient son effroi.


Jeudi.

« Rosalie les interroge chaque matin. Le recul des Français continue. Il paraît même que c’est une déroute et que Paris est abandonné. Le gouvernement s’est enfui. Nous sommes perdus. »


Sept heures soir.

« Il se promène sous mes fenêtres selon son habitude. Il est accompagné d’une femme que j’ai déjà vue de loin plusieurs fois et qui est toujours enveloppée d’une grande mante de paysanne, et coiffée d’une fichu de dentelle qui lui cache la figure. Mais la plupart du temps