Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.
L’ÉCLAT D’OBUS
127

qui vous est nécessaire et emportez ce qui vous plaît. C’est la guerre, c’est le droit de la guerre. »

« Avec quel accent de conviction stupide il prononça ces mots : « C’est le droit de la guerre ! » Et il répéta :

« — Quant à l’appartement de Madame, n’est-ce pas ? Aucun meuble n’en doit bouger. Je connais les convenances. »

« Maintenant il me regarde et il a l’air de me dire :

« — Hein ! comme je suis chevaleresque ! Je pourrais tout prendre. Mais je suis un Allemand et, comme tel, je connais les convenances.

« Il attend un remerciement. Je lui dis :

« — C’est le pillage qui commence ? Je m’explique l’arrivée des camions.

« — On ne pille pas ce qui vous appartient de par le droit de la guerre, répond-il.

« — Ah !… Et le droit de la guerre ne s’étend pas sur les meubles et sur les objets d’art des deux salons ?

« Il rougit. Alors, je me mets à rire.

« — Je comprends, c’est votre part. Bien choisi. Rien que des choses précieuses et de grande valeur. Le rebut, vos domestiques se le partagent.

« Les officiers se retournent, furieux. Lui, il devient plus rouge encore. Il a une figure toute ronde, des cheveux trop blonds, pommadés, et que divise au milieu une raie impeccable. Le front est bas, et, derrière ce front, je devine l’effort qu’il fait pour trouver une riposte. Enfin, il s’approche de moi, et d’une voix triomphante :

« — Les Français ont été battus à Charleroi,