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L’ÉCLAT D’OBUS
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n’a pu disparaître entièrement. Si je ne trouve pas sa tombe, ne puis-je pas trouver la moindre trace de son séjour ici ? Elle y a vécu. Elle y a souffert. Un souvenir d’elle me serait si précieux !

Il avait fini par reconstituer l’emplacement exact de la chambre qu’elle habitait, et même, au milieu des décombres, le monceau de pierres et de plâtras qui restait de cette chambre.

Cela était confondu avec les débris des salons, au rez-de-chaussée, sur lesquels avaient dégringolé les plafonds du premier étage, et c’est dans ce chaos, sous le tas des murs pulvérisés et des meubles en miettes, qu’un matin il recueillit un petit miroir brisé, et puis une brosse d’écaille, et puis un canif d’argent, et puis une trousse de ciseaux, tous objets ayant appartenu à Élisabeth.

Mais ce qui le troubla davantage encore, ce fut la découverte d’un gros agenda, où il savait que la jeune femme marquait avant son mariage ses dépenses, la liste des courses ou des visites à faire, et, parfois, des notes plus intimes sur sa vie.

Or, de cet agenda il ne restait que le cartonnage avec la date 1914 et la partie qui concernait les sept premiers mois de l’année. Tous les fascicules des cinq derniers mois avaient été non pas arrachés, mais détachés un à un des ficelles qui les retenaient à la reliure.

Tout de suite Paul pensa :

— Ils ont été détachés par Élisabeth, et cela sans hâte, à un moment où rien ne la pressait ni ne l’inquiétait, et où elle désirait simplement se servir de ces feuillets pour écrire au jour le