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L’ÉCLAT D’OBUS


VIII

LE JOURNAL D’ÉLISABETH



Il y avait dans ce double meurtre, qui succédait à une suite d’événements tragiques, tous enchaînés les uns aux autres par le lien le plus rigoureux, il y avait une telle accumulation d’horreurs et de fatalité révoltante que les deux jeunes gens ne prononcèrent pas une parole et ne firent pas un geste.

Jamais la mort, dont ils avaient tant de fois déjà senti le souffle au cours des batailles, ne leur était apparue sous un aspect plus sinistre et plus odieux.

La mort ! Ils la voyaient, non pas comme un mal sournois qui frappe au hasard, mais comme un spectre qui se glisse dans l’ombre, épie l’adversaire, choisit son moment, et lève le bras dans une intention déterminée. Et ce spectre prenait pour eux la forme même et le visage du major Hermann.

Paul articula, et vraiment sa voix avait cette intonation sourde, effarée, qui semble évoquer les forces mauvaises des ténèbres :

— Il est venu cette nuit. Il est venu, et comme nous avions marqué nos noms sur le mur, ces