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L’ÉCLAT D’OBUS

guerre-là, nous sommes les victimes depuis bientôt vingt ans. Le meurtre de mon père fut le début du drame. Et maintenant, c’est notre pauvre Élisabeth que nous pleurons. Et ce n’est pas fini.

— Pourtant, dit Bernard, il a pris la fuite.

— Nous le reverrons, sois-en sûr. S’il ne vient pas, c’est moi qui irai le chercher. Et ce jour-là…

Il y avait deux fauteuils dans cette chambre. Paul et Bernard résolurent d’y passer la nuit, et sans plus tarder ils inscrivirent leurs noms sur le mur du couloir. Puis Paul rejoignit ses hommes afin de surveiller leur installation parmi les granges et les communs encore debout. Là, le soldat qui lui servait d’ordonnance, un brave Auvergnat du nom de Gériflour, lui apprit qu’il avait déniché deux paires de draps et des matelas propres, au fond d’une maisonnette attenant au pavillon du garde. Les lits étaient donc prêts.

Paul accepta. Il fut convenu que Gériflour et un de ses camarades iraient au château et s’accommoderaient des deux fauteuils.

La nuit s’écoula sans alerte, nuit de fièvre et d’insomnie pour Paul, que hantait le souvenir d’Élisabeth.

Au matin, il tomba dans un sommeil lourd, agité de cauchemars et que coupa soudain la sonnerie du réveil.

Bernard l’attendait.

L’appel eut lieu dans la cour du château. Paul constata que son ordonnance Gériflour et son camarade manquaient.

— Ils doivent dormir, dit-il à Bernard, nous allons les secouer.