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L’ÉCLAT D’OBUS
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vaises. L’Allemagne se prépare. Elle a tout combiné… Ah ! Paul, si nous étions séparés !… et puis, que je ne sache plus rien de vous… et puis, que vous soyez blessé… et puis…

Il lui pressa la main.

— N’ayez pas peur, Élisabeth. Rien de tout cela n’arrivera. Pour qu’il y ait la guerre, il faut que quelqu’un la déclare. Or quel est le fou, le criminel odieux, qui oserait prendre cette décision abominable ?

— Je n’ai pas peur, dit-elle, et je suis même sûre que je serais très brave si vous deviez partir. Seulement… seulement, ce serait plus cruel pour nous que pour beaucoup d’autres. Pensez donc, mon chéri, nous ne sommes mariés que de ce matin.

À l’évocation de ce mariage si récent, et où il y avait de telles promesses de joie profonde et durable, son joli visage blond qu’illuminait une auréole de boucles dorées souriait déjà du sourire le plus confiant, et elle murmura :

— Mariés de ce matin, Paul… Alors, vous comprenez, ma provision de bonheur n’est pas bien lourde.

Il y eut un mouvement dans la foule. Tout le monde se groupait autour de la sortie. C’était un général, accompagné de deux officiers supérieurs, qui se dirigeait vers la cour où l’attendait une automobile. On entendit une musique militaire : dans l’avenue de la gare passait un bataillon de chasseurs à pied. Puis ce fut, conduit par des artilleurs, un attelage de seize chevaux qui traînait une énorme pièce de siège dont la silhouette, malgré la pesanteur de l’affût, semblait légère grâce à l’extrême longueur du canon. Et un troupeau de bœufs suivit.