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L’ÉCLAT D’OBUS
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essayé d’empoisonner le prince. Alors, n’est-ce pas ?

Il n’acheva pas. Paul se penchait sur lui avec une figure convulsée, le saisissait à la gorge, et articulait :

— Un mot de plus et je t’étrangle… Ah ! tu as de la chance d’être blessé… sans quoi… sans quoi…

Et Bernard, hors de lui, le bousculait également :

— Oui, tu en as de la chance. Et puis, tu sais, ton prince Conrad, eh bien, c’est un cochon… et je me charge de le lui dire en pleine face… un cochon comme toute sa famille et comme vous tous…

Ils laissèrent l’oberleutnant fort ahuri et ne comprenant rien à cette fureur subite.

Mais dehors Paul eut un accès de désespoir. Ses nerfs se détendaient. Toute sa colère et toute sa haine se changeaient en un abattement infini. Il retenait à peine ses larmes.

— Voyons, Paul, s’écria Bernard, tu ne vas pas croire un mot…

— Non, mille fois non ! Mais ce qui s’est passé, je le devine. Ce soudard de prince aura voulu faire le beau devant Élisabeth et profiter de ce qu’il était le maître… Pense donc ! une femme seule, sans défense, voilà une conquête qui en vaut la peine. Quelles tortures elle a dû subir, la malheureuse ! quelles humiliations ! Une lutte de chaque jour… des menaces… des brutalités… Et puis, au dernier moment, pour la punir de sa résistance, la mort…

— On la vengera, Paul, dit Bernard à voix basse.