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L’ÉCLAT D’OBUS

Élisabeth lui dit :

— Racontez-moi cela, Paul, voulez-vous ?

— Je vous le raconterai, fit-il. D’ailleurs, bien que je ne fusse encore qu’un enfant à cette époque, l’incident est mêlé de façon si tragique à ma vie elle-même que je ne pourrais pas ne pas vous le confier en tous ses détails. »

Ils descendirent. Le train s’était arrêté en gare de Corvigny, station terminus de la ligne d’intérêt local qui part du chef-lieu, atteint la vallée du Liseron et aboutit, six lieues avant la frontière, au pied de la petite cité lorraine que Vauban entoura, dit-il en ses Mémoires, « des plus parfaites demi-lunes qui se puissent imaginer ».

La gare présentait une animation extrême. Il y avait beaucoup de soldats et un grand nombre d’officiers. Une multitude de voyageurs, familles bourgeoises, paysans, ouvriers, baigneurs des villes d’eaux voisines que desservait Corvigny, attendaient sur le quai, au milieu d’un entassement de colis, le départ du prochain convoi pour le chef-lieu.

C’était le dernier jeudi de juillet, le jeudi qui précéda la mobilisation.

Élisabeth se serra anxieusement contre son mari.

— Oh ! Paul, dit-elle en frissonnant, pourvu qu’il n’y ait pas la guerre !…

— La guerre ! En voilà une idée !

— Pourtant, tous ces gens qui s’en vont, toutes ces familles qui s’éloignent de la frontière…

— Cela ne prouve pas…

— Non, mais vous avez bien lu dans le journal tout à l’heure. Les nouvelles sont très mau-