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L’ENTHOUSIASME

— Oh ! oui, je vous ai aimée, je vous ai beaucoup aimée.

— Et maintenant ?

Son haleine me brûlait, sa poitrine haletait sur mon épaule, et une beauté suprême rayonnait de ce visage flétri. Je fus prêt à tous les aveux et à toutes les tendresses. Mais un bruit de pas nous sépara.

La nuit, j’entendis la porte de ma chambre s’ouvrir lentement. Mme Landol entra.

Je prenais ma revanche. Les aspirations, les nécessités, les besoins opprimés jusqu’à ma vingtième année, éclataient enfin, et tout naturellement en gestes et en volontés d’amour, puisque l’amour, à cet âge, est le but le plus tentant et le plus accessible.

J’aimais, sincèrement et abondamment. Qui ? je n’en savais rien. J’allais de l’une à l’autre sans trop savoir les distinguer les unes des autres, et comme si elles eussent été la même femme vue dans des conditions différentes. Il ne me fallait pas le moindre effort ni la moindre hypocrisie pour leur adresser les mêmes protestations, pour les invoquer et les remercier avec la même ferveur. Mes effusions étaient spontanées.

Au fond c’est la vie que j’aimais en elles, la vie ardente et sans entraves que le hasard m’accordait sous la forme d’aventures romanesques. On m’avait empêché de vivre et, volontiers, on m’en eût empêché jusqu’à la mort. Mais je vivais et c’était déli-