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L’ENTHOUSIASME

éboulis de pierres, se dissimulait une forme blanche.

— Me voici, Nanthilde.

Elle était froide et tremblait.

— Oh ! c’est mal, c’est mal… et puis j’ai peur, me dit-elle.

Mes bras joints autour de sa taille, la voix basse, je la rassurai contre les dangers imaginaires. Le frêle corps se détendit. Au clair des étoiles je devinai son adorable sourire de femme triste, et cela me pénétra d’amour.

— Je n’ai jamais aimé, Nanthilde.

Je cherchai ses lèvres.

— Non, non, supplia-t-elle, j’aurais trop de remords, il ne faut pas, promettez-moi.

Je promis et chassai toute espérance. Nous nous serrâmes l’un contre l’autre et nous fîmes des rêves en contemplant le ciel. Elle ne songeait pas plus à se défendre que moi à la vaincre. Au milieu de la nuit, la lune se leva, puis des nuages la voilèrent. Quand elle se dégagea, Nanthilde était ma maîtresse.

Chaque jour elle m’envoya des lettres interminables, pleines de menus faits et de menues pensées… « Je t’en prie, ne les lis pas, disait-elle, c’est à moi que je m’adresse, c’est si bon de m’écrire mon amour ! » Et chaque semaine la même voiture me berça au trot de deux chevaux endormis, à travers les vallées et les collines baignées de lune ou enfouies dans l’ombre. J’avais la sensation d’apporter du bonheur, des charges de bonheur qui s’empi-