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L’ENTHOUSIASME

Elle m’échappait par certains côtés de son existence et de sa nature. Ainsi je ne concevais point qu’elle pût m’accueillir si fréquemment et si ouvertement. Elle ne se cachait donc pas de son mari ? Et puis était-ce du vieux professeur qu’elle tenait cette science des caresses ?

Bien que peu enclin à la questionner, car elle s’expliquait toujours si nettement que je redoutais à mon insu sa rude franchise, un jour, néanmoins, je lui demandai :

— Tu as aimé déjà ?

— Non.

— Ton mari ?

— Je n’ai jamais été que sa fille. Au fait, je te le présenterai, tu verras.

— Alors… alors… tu as eu des…

— Dame, oui.

— Mais puisque tu n’as pas aimé ?

— Je n’ai pas aimé comme tu l’entends.

— C’est vrai, tu ris quelquefois quand je te dis mon amour avec trop d’ardeur. Tu ne crois donc pas à l’amour ?

— À celui dont tu parles, pas beaucoup, je croirais plutôt à l’instinct, au désir.

Je lui tordis la main :

— Tais-toi, Armande, tu me fais mal… Ainsi, quand un homme te plait ?…

— Ma foi, je suis jeune, j’ai des sens.

— Et ici, depuis deux ans que tu es ici… tu as eu des amants ?