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L’ENTHOUSIASME

un grand feu clair qui nous eût enveloppés en même temps de sa chaleur et de sa gaîté, et dont les flammes se fussent exaspérées à chacun de nos mots, de nos gestes et de nos regards. C’est une des meilleures joies que cette entente spontanée qui s’établit entre deux âmes sur des pressentiments aussi réels que des certitudes. Il faut s’y abandonner sans réserve.

Elle me dit l’emploi de son temps, ses longues veillées heureuses et monotones, ses envies parfois de s’échapper vers la rivière attirante et de flâner au soleil. Interrogée, elle expliqua la part qu’elle prenait aux travaux de M. Berthier. Il ne voulait point d’autre aide que la sienne, depuis le jour où elle s’était dévouée à ce vieil ami de son père, et l’on devinait son orgueil de collaboratrice, son admiration affectueuse pour celui qui l’élevait à la dignité d’un tel rôle.

Son visage indiquait de l’énergie, presque de la dureté. Elle manquait de charme, de douceur féminine, de nonchalance. Mais ses yeux avaient souvent un air de tristesse, et mon regard se préoccupait de sa bouche sensuelle et de ses formes.

Elle me dit :

— Nous n’avons parlé que de moi, si nous parlions de vous ?

Je m’écriai aussitôt :

— Voulez-vous que je vous confie tous mes secrets ?

— Eh ! pas si vite, fit-elle, une autre fois, car je