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IV

Peut-être doit-on mettre plus de délicatesse encore à toucher à notre bonheur qu’à froisser notre infortune. Avec des précautions, en accordant à mon désespoir un sursis de quelques jours, on m’eût épargné ce qu’il y a de révoltant dans l’excès de la souffrance. On m’a opéré de ma joie comme d’un mal : ce sont là des plaies longues à se refermer.

De mon séjour en Angleterre et de mon volontariat, je pourrais dire simplement : voici deux années où j’ai été très malheureux. Et il me serait impossible, bien que je sache l’adoucissement que le temps apporta à ma peine et les tristesses particulières dont il la compliqua, il me serait impossible d’admettre que j’aie souffert d’autre chose que de cette séparation brutale. Le coup fut trop dur. Je n’étais pas seulement exilé loin de mon pays, de mes habitudes et de celle que j’aimais, il me semblait l’être de la vie elle-même.

Quelles journées lamentables j’ai traînées sur