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L’ENTHOUSIASME

— Oui, une dépêche que Philippe a reçue de M. Hamelin.

— C’est horrible, n’est-ce pas ?

— Oui, Pascal, horrible.

Je proposai en tremblant :

— Si vous voulez, Geneviève, je resterai.

— Non, mon chéri, il n’y a pas moyen.

J’avais espéré qu’elle me pousserait à la résistance. Mon espoir s’abimait. Elle me prit entre ses bras.

Les heures passèrent, heures funèbres dont le deuil enveloppa longtemps mon âme.

— Je vous écrirai tous les jours, Geneviève… nos lettres, ce sera la seule compensation…

— Non, nous ne nous écrirons pas, je ne le pourrais… j’aurais trop peur… la poste ici… et puis les lettres qui s’égarent…

Chaque parole était une amertume nouvelle. Je ne lui demandai plus rien, et elle n’exigea de moi aucune promesse. L’illusion ne nous fut pas accordée qui fait que l’on se prête des serments et que l’on arrange l’avenir. Nos adieux étaient les derniers, nos bouches ne se baiseraient plus.

Le vent secouait les branches, les feuilles tombaient, un fil de fer rouillé grinçait autour de la prairie voisine. Oh ! le bruit sinistre de ce fil de fer, que de fois je l’ai entendu, depuis !

— C’est trop, c’est trop… ne pouvez-vous rien me dire pour me consoler ?

— Non, je n’ai plus de forces non plus.