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L’ENTHOUSIASME

J’ai beau ouvrir les yeux, les oreilles, m’ouvrir tout entier, c’est comme s’il en devait venir toujours, toujours, pendant des années.

Cependant je ne comprenais point que Geneviève m’aimât, et je ne cessais de l’interroger, anxieux de la réponse.

— Alors vous m’aimez ? Vous m’aimez, vous ?

Mon amour, à moi, je le sentais battre comme mon cœur, et je le voyais comme on voit de la lumière. Mais comment admettre que je fusse aimé de cette femme exceptionnelle, que je fusse même aimé d’une femme ? Nous avons peine à croire à la réalisation d’un rêve longtemps caressé. Notre imagination en fut si remplie qu’elle nous semble en garder toujours une partie à l’état de rêve.

Arrivais-je par instants fugitifs à concevoir cet amour, alors je tombais à genoux. Seule cette attitude de l’adoration me soulageait. Tout était bien ainsi, et chacun avait sa vraie place. Dans le bosquet de notre aveu, je ne lui eusse jamais parlé autrement que ployé devant elle, et j’agissais de la sorte moins en amant exalté qui cherche à traduire son émotion, qu’en enfant amoureux qui n’est à son aise qu’aux pieds de sa maîtresse. J’y jouais, j’y riais, j’y discourais, je m’y taisais aussi, les yeux fixés longuement sur elle.

— Qu’avez-vous à m’examiner, Pascal ? ne me connaissez-vous pas ?

— Je ne connais pas encore la Geneviève qui