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L’ENTHOUSIASME

tuer une petite bourgeoise, satisfaite de son destin, moins charmante de figure et moins élégante de silhouette : cela ne m’est point possible. La première vision véritable que je conserve d’elle, quoique je la connusse depuis mon enfance, date de ce soir-là, et le doux visage dont tout le monde autour de moi louait la grâce infinie, m’apparut pour la première fois le lendemain, lorsque Claire, en extase devant Geneviève, me dit avec cet accent d’admiration naïve qui lui est encore habituel :

— Comme elle est belle, Pascal, plus belle qu’à l’ordinaire.

Et c’est alors, dans le silence embarrassé où se prolonge toute parole de franchise un peu ardente, c’est alors que me furent révélés les cheveux blonds de Geneviève, ses yeux gris, ses lèvres délicates et sa taille harmonieuse.

Révélations très importantes sans doute, car ma vie consista désormais à me rapprocher de Mme Darzas et à la fuir dès que j’avais réussi dans mon entreprise. Il était au-dessus de mes forces de converser librement avec elle, comme au temps où j’ignorais la couleur de ses yeux et de ses cheveux. Par bonheur la présence d’autres personnes remédiait à ce malaise, sans quoi elle me fût devenue insupportable.

L’après-midi, nous faisions tous quatre de longues promenades en voiture à travers les collines de l’Orne, en ce rude pays coupé de vallées profondes, animé de rivières, et si changeant avec la