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L’ENTHOUSIASME

france, et il la partageait, oublieux de la sienne.

Il se leva et prit la lampe.

— Je vais te conduire, Pascal.

Il eut tort de montrer tant de hâte et de me mettre en demeure d’accomplir ma promesse, avant que j’eusse le temps de m’y accoutumer et, peut-être aussi, de me réjouir en face de lui de la petite supériorité où vous hausse le sacrifice.

Il insista :

— Eh bien, Pascal ?

Un sursaut de rancune et d’effroi me fit répondre :

— Eh quoi ! vous pouvez bien patienter un moment ; n’avons-nous pas toute la nuit ? D’ailleurs il y a une condition, je ne partirai pas sans dire adieu à Mme Darzas.

— Mais tu es fou !

— Nullement… c’est une condition toute naturelle, et je n’y renoncerai pour rien au monde, c’est bien le moins.

— Alors… alors… tu veux ?…

Oh ! la désolation de son visage ! Ma colère méchante se dissipa aussitôt, mais j’avais entrevu la possibilité de cette joie suprême, et je prononçai tout bas, un peu gêné :

— Je veux la voir… il est juste que je lui dise adieu.

— Eh bien, non, proféra-t-il en frappant la table du poing, eh bien non, eh bien non, tu ne la verras pas, je refuse.

Des heures lourdes s’appesantirent sur nous. Ni