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L’ENTHOUSIASME

— Moi aussi, Philippe, je l’aime bien.

— Oui, tu l’aimes bien… c’est encore une raison qui me retenait… et les choses se sont compliquées… Ah ! mon existence depuis deux ans ! Si je n’avais pas eu constamment la pensée de ta mère !

Il se leva et tira d’un meuble une liasse de papiers :

— Tiens, examine ce tas d’ordures, rien que des lettres anonymes, il y en a qui datent de trois ans. Je les lisais d’abord, et puis plus tard, dès que j’en reconnaissais une, je la jetais là-dedans… Pourquoi même les ai-je gardées ? Et tous les gens qui brûlaient de m’avertir, qui me faisaient des allusions… Ah ! ce que j’y coupais court, aux avis charitables ? Est-ce que je ne savais pas ? Est-ce que la façon dont Geneviève était avec moi ne m’apprenait pas tout, au fur et à mesure… Elle a tellement changé, Geneviève !… c’est une autre femme… Nous sommes deux ennemis maintenant, et j’ai lutté contre elle de tout mon pouvoir, mais que faire ?… Je me disais : « Mme Devrieux voit tout ce que je vois, et même davantage… elle en souffre autant… et elle se tait… je n’ai donc qu’à me taire. » Et puis elle est venue, il y a deux mois, pendant ton séjour à Nice, nous en avons causé, et elle m’a dit : « S’il revient, Philippe, je vous promets que c’est moi qui partirai. » Et un soir, j’ai su que tu étais venu ici, j’ai deviné que Geneviève se préparait à te suivre. Alors je m’en