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L’ENTHOUSIASME

mais je le sais près de moi. Il est debout, appuyé au mur. Chez Geneviève, toujours le silence.

D’interminables minutes s’écoulent, sans que je me décide à faire un mouvement ou à prononcer un mot. N’est-ce pas à lui de parler ou d’agir ? À travers l’obscurité, je le regarde et il me regarde. Comme il me hait ! Je la sens, sa haine, lourde comme l’ombre.

À la fin, il me dit :

— Viens.

Et il me conduit dans sa chambre.

Oublierai-je jamais le bouleversement de ses traits ? Aucun d’eux ne paraissait à sa place ordinaire, et les miens devaient être également convulsés, car, dès qu’il me vit à la lumière de la lampe, il y eut moins de haine en son regard.

Mes yeux l’importunant, je les détournai, mais, jusqu’à la fin de l’entrevue, je ne cessai d’avoir l’impression de son embarras. Il était gêné de son accoutrement de nuit, de son foulard rouge et jaune, de son pantalon de flanelle, de sa chemise à laquelle manquait un bouton, gêné dans ses attitudes, qu’il marchât ou qu’il s’assît, gêné du son de sa voix.

J’attendais. Qu’allait-il me dire ? S’étant arrêté devant moi, il hésita, prit ma main, la lâcha brusquement, puis me jeta cette question :

— Tu es son amant, n’est-ce pas ?

— Non, lui dis-je.

Il me crut immédiatement, tellement il souhai-