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L’ENTHOUSIASME

Elle fut peu brillante ma première expédition de collégien. Un soir, des camarades me trainèrent dans un estaminet dont une fille, nommée Léontine, occupait le comptoir. Elle feignit un caprice et vint près de moi. Aussitôt une sueur abondante me couvrit. Osant à peine la regarder, incapable de lui répondre, je balbutiais quelques mots ; tandis que des gouttes me chatouillaient le crâne et ruisselaient le long de mes joues. On but cependant, et, par bravade, au moment du départ, je me chargeai de reconduire la caissière.

Oh ! l’interminable trajet, la montée silencieuse de l’escalier, ma terreur au seuil de la chambre, les avances de Léontine ! J’étais au supplice. Elle enleva son corsage et s’assit à mes côtés.

— Quelle chaleur, dit-elle, en m’attirant contre sa poitrine.

Je fermai les yeux. Mon désespoir n’avait pas de limites. De tous mes nerfs tendus, je tâchais d’influer sur la peau de mon crâne pour que les nouvelles gouttes qui s’y préparaient s’évaporassent. Hélas ! elles coulaient méchamment, et chacun de mes cheveux en guidait une vers la gorge nue. Que faut-il faire ? me demandais-je obstinément. La folie du désir qui commençait à battre en mes veines et à troubler mon cerveau, ne me donnait pas la moindre audace.

J’étais persuadé qu’à la moindre tentative de ma part ce désir s’évanouirait, mais Léontine s’endormit et j’en ressentis un vrai soulagement, comme