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L’ENTHOUSIASME

— Tu es peu logique, me dit Claire, tu méprises l’opinion des autres, et tu souffres de ce qu’elle t’est contraire.

— Pourquoi me juge-t-on autrement que je ne suis ?

— Que t’importe ?

— Alors cela ne t’agace pas, toi, d’être méconnue ? Si tu apprenais que l’on t’accuse d’avoir eu des amants ou de te marier par intérêt, tu n’en serais pas irritée ?

— Ma foi non, quelle drôle d’idée !

— Tu as raison, c’est idiot, seulement il peut se présenter un cas, comme le mien, où l’on subit si cruellement la puissance de cette opinion qu’on voudrait l’avoir pour soi. Notre bonheur en dépend bien souvent.

— N’ayons de bonheur que celui qui est en dehors de son atteinte.

— Il n’y en a pas. Notre destinée ne peut jamais s’affranchir entièrement du contrôle des autres, même de leur bonne volonté.

Elle hocha la tête.

— Tu crois ? pas moi… non, il ne me semble pas que l’on doive jamais accepter leur contrôle, et notre destinée doit être assez forte pour se passer de leur bonne volonté.

— Si elle ne l’est pas ?

— Tant pis.

— J’ai peur pour toi, lui dis-je, la sentant résolue à ce point. Si la vie ne t’assouplit pas, tu risques