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L’ENTHOUSIASME

— Elle me dit que je l’aimerai, que je l’aime déjà. Elle n’a peut-être pas tort, c’est encore un tel chaos dans ma tête ! En tout cas j’essaierai loyalement. Si je me trompe, il sera toujours temps de m’affranchir.

— Oh ! Claire.

— Il est averti, il me connaît aussi bien que possible, je lui ai dévoilé mon caractère, mes goûts, mes rêves, mes espérances, ma façon d’envisager les choses, ma répugnance au rôle de ménagère ou d’esclave, le besoin évident que je sens en moi de me produire d’une façon ou d’une autre, la certitude que j’ai, s’il y a désaccord, d’être inflexible et de rompre sans plus de pitié pour lui que pour moi : rien ne l’effraye, il m’aime comme je suis et il accepte l’avenir que je lui ferai.

— Mais toi, m’écriai-je, tu ne devrais pas, non, tu ne devrais pas…

Elle me regarda anxieusement. Était-ce un appui que j’offrais à son désir de résistance ? Mes yeux se détournèrent. Je repris :

— Il faut que ce soit mère qui se rétracte.

— Oh ! Pascal, essaye, persuade-la.

J’essayai le jour même. Je m’engageai formellement vis-à-vis de mère à partir, et j’ajoutai :

— Donc c’est entendu, le passé est aboli, nous coupons tous les liens qui nous rattachent à Saint-Jore. Eh bien, pourquoi Claire ne bénéficie-t-elle pas également de ce départ ? Son mariage