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L’ENTHOUSIASME

passé et tourne-toi vers l’avenir, tu as beaucoup aimé, tu as connu des émotions violentes, tu as gagné en sensibilité, tu as des yeux qui voient mieux, une nature plus prompte à l’admiration, une âme désireuse de se perfectionner, un esprit capable de se passionner pour plus de choses et pour des choses plus belles : que cela ne te soit pas inutile. À d’autres points de vue, tu as perdu bien du temps qu’il te faut rattraper… Construis ton existence maintenant et ne t’attarde pas dans des ruines…

— Geneviève…

— Geneviève sera ton plus beau souvenir, tu auras connu un amour sans lassitude et sans fin ; vous n’aurez pas rompu, c’est le destin qui vous sépare. Tu la retrouveras toujours au fond de ton cœur, et tu retrouveras toujours au fond de ta conscience l’honnête action de ne pas l’avoir sacrifiée à ton bonheur d’un moment…

— Geneviève… un souvenir !

Mes larmes ne cessaient pas de couler, les larmes les plus amères que j’aie versées. Elles étaient de celles qui ne soulagent point, car nul espoir n’en pouvait tarir la source.

— Console-moi, suppliais-je, cette idée me rend fou… je voudrais être loin… être dans vingt ans…

— Alors, Pascal, tu renonces ?

— Pas de ce vilain mot, mère, je ne renonce pas… dire que j’ai été si heureux et que je pourrais l’être tant, si on me laissait ! et il faut aban-