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L’ENTHOUSIASME

pestiférée, on me salue à peine, la plupart de ces dames se sont détournées de moi, mes amies elles-mêmes évitent de se montrer en ma compagnie, on ne me rend pas mes visites, enfin c’est une petite guerre d’humiliations et d’affronts quotidiens, et tu trouves la situation tolérable ! Que veux-tu ? il ne me suffit pas d’être en paix avec moi, comme tu dis, j’ai besoin de l’estime de tous, et je ne peux plus vivre dans cette atmosphère de haine et de mépris. Il y a eu trop de scandales et on s’est trop occupé de nous, j’ai l’impression dans la rue d’être un objet de risée, je suis rouge, couverte de sueur, je deviens obséquieuse avec les fournisseurs, j’ai toujours l’air de m’excuser de ma présence, comme si j’étais en trop partout où je suis… Ah ! non, c’est fini, je ne peux pas…

Je l’embrassai désespérément :

— Tais-toi, ma pauvre mère, tu me déchires, mais c’est à moi de m’en aller… tiens, je renonce à Geneviève, je te le jure… je m’en vais… mon départ apaisera tout, et tu vivras tranquille.

— Ton départ n’apaisera rien, le monde ne désarme pas ainsi, et c’est de nous trois que l’on ne veut plus. Et puis, pourquoi ne pas le dire ? moi non plus, je ne veux plus d’eux. De ce côté-là aussi, j’ai compris bien des choses. Tout en te blâmant, j’étais écœurée de l’acharnement que l’on mettait contre toi, et j’ai vu souvent ce qu’il y a d’hypocrisie dans l’indignation des gens. Qu’ils te donnent tort, soit, ils ne sont pas tenus de con-