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L’ENTHOUSIASME

— Tu n’auras pas la force non plus de leur désobéir.

Comme elle disait vrai, et que d’habileté en sa franchise ! En s’adressant à ce qu’il y avait de meilleur en moi, ne cherchait-elle pas à m’illusionner sur la noblesse des motifs qui pouvaient me décider ? La raison ! la conscience ! Hélas, si je cédais, la lassitude ne suffirait-elle pas à expliquer ma capitulation ? Je le lui dis. Elle protesta.

— Tu te défies trop de toi, Pascal. Si tu cèdes, ce ne sera pas par suite d’un découragement qui n’est que momentané, ce sera par devoir. Est-ce que le mot t’effarouche ? as-tu honte de t’incliner devant un devoir ?

Elle tâchait de me communiquer cette fièvre d’immolation qui la brûlait, mais mon cœur saignait, j’étais trop meurtri pour consentir au sacrifice.

— Mère, que ferais-tu, si je m’en allais avec Geneviève ?

— Que tu t’en ailles seul ou avec Geneviève, ou bien que tu restes ici, cela ne change rien à la résolution irrévocable que j’ai prise : je quitte Saint-Jore.

— Tu quittes Saint-Jore… pour cet été ?

— Pour toujours.

— Pour toujours !

Était-ce un moyen de m’influencer ? était-ce le désir d’alléger ma peine des tristesses de la solitude ? Je ne la comprenais point.

— Comment, Pascal, on me traite comme une