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L’ENTHOUSIASME

me quitte pas. Se repose-t-elle ? Mange-t-elle ? Je ne puis ouvrir les yeux sans la voir au bord de mon lit, et, aussitôt, coule le flot des questions.

— Pourquoi as-tu été chez Geneviève ? tu me savais donc à Saint-Jore ?… Alors vraiment elle m’aime toujours ?

— Elle t’aime plus que jamais.

— Tu en es persuadée ?

— Je te le jure, elle t’adore, elle me l’a dit… Mais tais-toi, mon Pascal, le médecin défend la moindre imprudence.

Elle me caresse, sa main rafraichit mon front.

À l’ombre de ses yeux, je me rendors.

…Oh ! les brûlantes journées ! Dans l’obscurité des heures où se perdent, j’en ai la sensation atroce, mes dernières chances de salut, je m’exténue à joindre les unes aux autres les fugitives minutes arrachées au délire. Tout ce que j’amasse de lucidité, c’est pour réfléchir à Geneviève et préparer une question nouvelle. Infatigablement je marche vers mon but, titubant, me relevant, jamais découragé. Et ainsi mes demandes s’enchainent péniblement, et je les fais à voix basse, tandis que ma volonté maintient de force, parmi la confusion de mon cerveau, l’idée qui se dérobe.

— Mère, Geneviève est-elle décidée à ne jamais partir ? Te l’a-t-elle promis, ou bien crois-tu que si je recommence une autre tentative, elle me suivra ?

Quelle angoisse sous mon air indifférent !