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L’ENTHOUSIASME

souffre, je le sais, ce sont ses prières qui ont eu raison de Geneviève, mais je ne lui en veux pas, car je n’ai plus qu’elle. Je redoute même son abandon, tellement j’ai besoin d’amour et de pitié, et tellement m’obsède l’impression qu’il n’y a qu’auprès d’une mère qu’on en trouve des réserves inépuisables…

…Nous sommes à la maison, dans sa chambre, et voilà que s’écoulent les heures affreuses. Je ne pense pas, mais je les entends, je les vois, ces heures ! elles sonnent, elles barrent le cadran de la pendule, et ce sont les mêmes qu’auraient marquées les horloges des garés, sur notre route, les mêmes qui eussent retenti aux clochers des villages. Alors je distingue nos deux silhouettes enlacées, nos gestes, nos baisers, la beauté des spectacles que nous contemplons. Vire, les collines du Cotentin, les échappées vers le golfe, Avranches, autant d’images clouées à mon cerveau.

Et aussitôt je pose une question quelconque, pour échapper à l’idée :

— Tu me savais donc à Saint-Jore ? tu avais deviné ?

— Tais-toi, me dit-elle… plus tard…

De nouveaux silences, puis d’autres épreuves. Mère m’apporte de quoi manger, et je songe au repas que nous eussions fait, Geneviève et moi, dans le compartiment. Et c’est l’arrivée à Pontorson, le trajet en voiture, le décor prodigieux de l’abbaye, le choix d’une chambre à mi-côte…