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L’ENTHOUSIASME

Comment me délivrer de son intervention ? Soudain je me mis à la pousser vers le fiacre, et je tâchais de l’offenser.

— Mais je ne m’en vais pas seul, j’attends Geneviève, nous partons tous les deux… rien ne peut nous retenir… rien… je l’aime… je suis décidé à tout…

— Geneviève ne part pas.

— Si, je l’attends.… Tiens, voilà une voiture.

— Je te dis qu’elle ne part pas, je viens de chez elle.

— Tu viens de chez elle ?

Oh ! ce cri, comme il résonna, rauque et pitoyable. Était-ce vrai ? Avais-je bien compris ? Mère se taisait.

— Tu l’as vue, réponds… mais, dépêche-toi… le train s’en va…

Elle affirma doucement :

— Oui, je l’ai vue, elle ne part pas, et c’est elle qui m’envoie te le dire.

…Le fiacre roule. Mère m’emporte dans ses bras, comme un enfant. Elle m’étreint de toutes ses forces, et moi, je voudrais être plus près d’elle encore. Le bruit, la clarté, me font mal. Oh ! ne pas voir, ne pas entendre, ne pas penser surtout ! L’une de ses mains caresse mon front, et il me semble que cette main écarte de mon front la blessure de penser. L’avenue fuit, les rues passent, la ville me reprend et m’oppresse, et je me fais plus petit entre les bras maternels. C’est par elle que je